Filmästhetik und Kindheit

Penser le cinéma au prisme de l’enfance et l’enfance au prisme du cinéma: films, discours, théories (Paris, 4.-5. avril 2018)

für Forscher

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Dès les débuts du cinéma, des critiques, des cinéphiles, des théoriciens et des cinéastes ébauchent la thèse, formulée en 1949 par André Bazin, selon laquelle il existerait des affinités électives entre enfance et cinéma. Bazin voit dans le cinéma le médium qui a pu, pour la première fois, nous rapprocher de l’enfant, dans sa différence essentielle vis-à-vis du monde des adultes, simplement en montrant ses mouvements, ses gestes et ses mimiques. Cette idée est déjà présente dès les années 1890 dans des publicités pour child pictures, qui présentent l’enfant comme spectacle et l’érigent en figure phare pour valoriser la nouveauté du cinéma, à savoir son réalisme (voir Vicky Lebeau, Childhood and Cinema). Béla Balázs y ajoute dans Der sichtbare Mensch (1924) une autre perspective, quand il se réfère au regard de l’enfant pour décrire le geste cinématographique même, le gros plan et le montage, ou plus précisément, l’intérêt que la caméra peut accorder aux détails, aux choses en soi, dissociées de leur fonction d’usage.

En parallèle à cette pensée phénoménologique, qui s’intéresse à l’enfance comme modèle paradigmatique d’un être-au-monde auquel le cinéma nous donne accès, la tradition psychanalytique a établi un modèle du spectateur de cinéma comme enfant, pour rendre compte du régime de croyance et de l’élaboration imaginaire que produit le cinéma. De leur côté, des cinéphiles – comme Serge Daney – ont aussi pensé le cinéma relativement à l’enfance, c’est-à-dire à leur propre enfance, mettant en lumière une relation intime entre la pensée du cinéma et le moment originaire de formation d’un rapport à ce médium ; ouvrant ainsi une réflexion sur le rôle du cinéma pendant l’enfance et sur le cinéma comme école alternative. L’enfance est le creuset de la cinéphilie, et c’est l’enfant (et les films vus dans l’enfance) qui revient quand le cinéphile va au cinéma.

Mais le regard de l’enfant n’est pas seulement celui du spectateur, c’est aussi celui du réalisateur : dans le cinéma d’avant-garde (on peut penser à Stan Brakhage, Jean Cocteau, Matthias Müller) comme dans le cinéma moderne (François Truffaut, Wim Wenders, Victor Erice, Ingmar Bergman, Abbas Kiarostami) le regard de l’enfant apparaît aussi comme un relais du réalisateur, pas seulement dans une démarche autobiographique mais aussi afin d’appréhender le geste cinématographique et l’expérience esthétique comme rapport au monde (voir Bettina Henzler, « Kino, Kindheit, Filmästhetik », in Kino und Kindheit, 2017).

Avec le colloque « Penser le cinéma au prisme de l’enfance et l’enfance au prisme du cinéma », qui se tiendra a Paris le 5 et 6 avril 2018, nous souhaitons réfléchir aux films eux-mêmes en même temps qu’aux discours cinéphiliques, théoriques, poïétiques et à leur ancrage dans des contextes historiques, culturels et idéologiques. Que disent-ils du cinéma, de l’enfance et du rapport de l’un à l’autre ? Comment l’enfance est-elle mise en scène, représentée et pensée au travers des films ? L’enfant, comme figure, comme acteur et comme spectateur, permet-il de penser le cinéma aujourd’hui ou de soutenir une approche spécifique dans les politiques d’éducation à l’image ?

Ce colloque succède à un premier symposium qui s’est tenu à Brême en 2016 (Internationales Bremer Symposium zum Film), dont il se veut complémentaire. Ce premier événement, organisé par l’université de Brême en coopération avec l’université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, a pris ces discours comme point de départ pour poser des questions plus générales sur la figure de l’enfant et l’enfant acteur au cinéma, sur l’enfance comme dimension de l’expérience créatrice et de l’expérience spectatorielle. Le présent colloque, organisé par l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 en coopération avec l’université de Brême, souhaite à présent cibler la recherche commune sur l’histoire et le fonctionnement de ces discours, et réfléchir sur leur valeur pour une pensée contemporaine du cinéma et de l’enfance.

Perrine Boutin et Emmanuel Siety
Université Paris 3

Bettina Henzler
Universität Bremen

Organisation : perrine.boutin@univ-paris3.fr Site de l'Université Paris 3